VALLERY
"Chaleur de novembre nuit fort"
Ce petit village tranquille et bucolique de 468 habitants se situe dans la vallée de l'Orvanne dépendant de l'arrondissement de Sens et du canton de Chéroy. Ses habitants sont les Valeriais.
Quand nous sommes arrivés en 2002 dans l'Yonne, le château de Vallery tout près de chez nous, a été la première visite de château que nous avons faite guidée par le propriétaire, à l'époque la restauration était en cours et quand nous avons vu le domaine le week-end dernier, nous avons pu nous rendre compte de l'évolution. Voyons un peu l'historique de ce domaine.
Château des Condé et Citadelle médiévale
Deux ensembles coexistent sur ce site, héritage de la riche histoire de Vallery !
Il y a le château médiéval à droite sur la photo, dont subsistent la poterne et l'amorce des remparts, qui fut érigé au XIIIe siècle par Erard de Vallery, connétable de Champagne et compagnon de croisade du roi Saint Louis.
Puis le château Renaissance à gauche, édifié par Jacques d'Albon.
Jacques d'Albon de Saint-André, né vers 1505 au château de Saint-André en Roannais, il est introduit à la cour par son père Jean d’Albon, gouverneur de Henri, le second fils de François Ier. Son caractère séduisant lui permet d'être l'ami du jeune prince. Frère de Marguerite d’Albon de Saint-André, il devient, en 1523, le beau-frère du neuvième Artaud de Saint-Germain. Il est marquis de Fronsac, seigneur de Montrond et de Saint-André d'Albon, d'où son nom.
Il est un représentant typique de cette noblesse française du temps des guerres de religion, qui joue avec sa vie comme avec le pouvoir et que Brantôme a dépeint dans ses Vies des grands capitaines. Saint-André est aussi un homme de la Renaissance par son goût du faste. Plus que ses ennemis, il redoute ses créanciers qu'il fuit sans cesse, toujours chargé de dettes. Sa vie se passe dans le luxe des tapisseries, des meubles et des objets précieux. Rien n'égale la recherche de sa table. Mais il reste avant tout soldat.
Il commence sa carrière militaire en Roussilon, à Thérouanne, à Cérisoles et à Boulogne.
Le 27 mai 1544, il épouse Marguerite de Lustrac. Le 3 avril 1547, trois jours après la mort de François Ier il est appelé au Conseil et nommé par le souverain premier gentilhomme de la chambre et reçoit le bâton de maréchal. C'est là l'origine de sa prodigieuse fortune dans tous les sens du terme.
Le 29 mai 1547, il est fait chevalier de Saint-Michel et maréchal de France.
Le 25 juillet 1547, au sacre d’ Henri II, il remplace comme grand maître Montmorency absent. De 1552 à 1555, il guerroie contre Charles Quint, à propos des Trois-Evêchés.
C’est le 16 avril 1548 que Saint-André acquiert pour une fortune, 95000 livres, les terres de Vallery. Sur l’emplacement du château fort du XIIIe, ancienne forteresse médiévale qui pouvait abriter 5000 hommes en armes et dont subsistent encore le mur d’enceinte flanqué de tours en ruine et les caves voutées, il ambitionne de construire un fastueux palais dont il confie l’élévation à Pierre Lescot à qui on doit le nouveau Louvre.
Désigné en 1549 pour porter au roi d'Angleterre le collier de l'ordre de Saint-Michel, Saint-André affiche dans Londres un luxe inouï et revient décoré de la Jarretière.
Le chantier du château de Vallery fut rapidement mené car en 1550, Le roi Henri II et sa cour y séjournèrent. De somptueuses fêtes y furent données à cette occasion comme à celles d'autres passages du roi et de hauts personnages du moment.
En 1557, il est fait prisonnier par le duc de Brunswick à la bataille de Saint-Quentin. Pour se libérer, il précipite la conclusion du traité du Cateau-Cambrésis, entre Henri II et Philippe II d’Espagne. La rançon exigée est de 60000 écus d'or.
Il profita de l'inébranlable amitié du roi pour acquérir une fortune considérable ; afin de faire face aux dépenses qu'il fit dans ses demeures de Vallery, de Saint-André et de Fronsac, il n'hésita pas à recourir à de nombreuses exactions.
A la mort de Henri II, la situation de Saint-André fut compromise par l'arrivée au pouvoir des Guises, oncles de la nouvelle reine et tout-puisants sur l'esprit du jeune roi François II. Le maréchal sut se concilier le duc et le cardinal et entra en relations suivies avec Chantonay, le nouvel ambassadeur espagnol.
Le 18 septembre 1559, le jour du sacre de François II, il reçoit l'épée de connétable à la place de Montmorency disgracié.
En mars 1560, il participe, contre les protestants, à la répression de la conjuration d’Amboise et fut chargé de surveiller le prince de Condé, soupçonné d'avoir organisé la conjuration : il essaya en vain de le compromettre dans la tentative que firent les protestants pour s'emparer de Lyon.
Le 5 décembre 1560, à la mort de François II, il parvient à rester en place. Le 6 avril 1561, avec Montmorency et le duc Henri de Guise, il crée le triumvirat catholique. Le 4 juillet 1562, il prend Blois aux protestants. Le 29 juillet, il prend Poitiers, le 31 août, Bourges, réprimant toute résistance avec une extrême brutalité. Il fait pendre par exemple le maire calviniste de Poitiers, Jacques Herbert, sieur de l'Isle, et quelques autres protestants, le 7 août 1562.
Cette position centrale empêche les protestants du sud de la France de joindre ceux du Nord.
Le 19 décembre 1562, il bat les protestants à la bataille de Dreux où il est tué assassiné par Jean Perdriel de Bobigny d'une balle dans la tête.
Deux ans après la mort du maréchal de Saint-André, survenue en 1562, sa veuve Marguerite de Lustrac donna la propriété à Louis de Bourbon, prince de Condé. Le château resta dans la maison de Condé près de deux siècles. Cette terre de Vallery reçut les sépultures de plusieurs princes et princesses de Condé. Pour les accueillir, un magnifique mausolée en marbre, réalisé en 1646 par le sculpteur Gilles Guérin, fut érigé dans la chapelle du château en l'honneur d'Henri II de Bourbon-Condé, père du Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé.
En 1740, Elisabeth-Alexandrine de Bourbon-Condé céda la propriété à Jacques Cordier de Launay, seigneur de La Verrière. Sa petite fille, Renée-Pélagie Cordier de Launay de Montreuil, épouse du marquis de Sade, y habita un temps avec son célèbre mari. La famille De Launay vendit le château en 1821 au général Louis-Marie Lévesque de la Ferrière, Comte d’Empire, Pair de France, enterré en 1834 à Vallery dont il avait été le maire.
En 1682, l'aile sud avait été démolie et des transformations apportées progressivement aux bâtiments durant le XVIIIe siècle. Mais dès le début du XIXe siècle, des modifications, plus que hasardeuses, accélérèrent la longue dégradation du château. Charles-Michel Cordier démolit la partie nord de l'aile ouest, dérasa la galerie, détruisit le dernier étage carré et les combles du pavillon d'angle. Il rétablit des toits plus bas et compléta les façades par des pastiches. De nombreuses réfections des intérieurs, dont le cloisonnement de la galerie, intervinrent encore dans la seconde moitié de ce siècle.
Le XXe siècle laissa le château se détériorer dans l'ombre de son passé illustre. Depuis 1989, il sert à l'organisation de fêtes de mariages par une société privée.
L'église Saint Thomas de Cantorbery
Elle fut construite de 1612 à 1614, par l'architecte Colin, sous Henri II de Condé en remplacement de l'église précédente, détruite par ordre de son grand-père Louis 1er dit le "Prince Huguenot". Elle abrite les sépultures de la famille de Bourbon-Condé, branche cadette des rois de France qui fournit à la Bourgogne ses gouverneurs entre 1686 et 1789.
L'église est dédiée à Thomas Becket (1117-1170) dit Saint Thomas de Cantorbery, en hommage à cet archevêque anglais qui se réfugia dans l'Yonne, à Pontigny puis à Sens, en raison d'un différend avec le roi d'Angleterre.
Le clocher très modeste a été vendu à la paroisse de Blennes, village voisin, lors de la construction du clocher actuel en 1865.
Le clocher actuel est un don du Comte et de la Comtesse de Rochechouart.
A l'intérieur sont installées trois cloches de 1516 kg, 1016 kg et 754 kg.
Intérieur de l'église :
- A gauche, la chaire dont le ciel est soutenu par 2 cariatides Renaissance.
- Le choeur en boiseries sculptées
- Au milieu du choeur un caveau creusé pour la sépulture des défunts de la famille Condé.
- Les vitraux relatent le supplice de St Thomas Becket à Canterbury.
En 1794 le tombeau fut violé par le comité de salut public et les corps jetés dans une fosse du cimetière. Seule la sépulture de Louis 1er, protestant, échappa à cette violation : il est enterré dans la sacristie.
En 1822, sur ordre de Louis XVIII, au cours d'un service funèbre, les restes des corps furent réintroduits dans le caveau de l'église.
Vers 1854 l'église est restaurée par Viollet le Duc, aux frais du Duc d'Aumale, filleul du dernier Condé. Au cimetière il fait élever une pierre entourée d'une grille avec l'inscriptions :
"Ici furent déposés de 1794 à 1822 les restes des princes du sang, Seigneurs de Bourbon-Condé qui reposent dans cette église."
Dans l'église, il fait placer sur le caveau une dalle de marbre noir portant les noms des princes qui y sont déposés. On peut lire :
Ici reposent dans l'attente de la résurrection glorieuse très hauts, très puissants et très magnanimes Princes et seigneurs,
+ Henri 1er de Bourbon, Prince de Condé
Duc d'Enghien
Né le 29 décembre 1552
Mort à St Jean d'Angély le 5 mars 1588
+ Louis et Benjamin de Bourbon
Fils de Louis 1er Prince de Condé
+ Eléonor de Bourbon
Fille de Henri 1er Prince de Condé
Epouse de Philippe Guillaume de Vassau
Prince de Orange
Morte en 1619
+ Henri II Prince de Condé
Premier Prince du sang
Pair et Grand Maître de France
Né de Henri 1er le 1er septembre 1588
Mort le 26 décembre 1646
+ Louis Armand de Bourbon
Prince de Condé
Petit-fils de Henri II
Né en 1661
Mort le 9 novembre 1685
+ Louis II de Bourbon, Prince de Condé
Duc d'Enghien, surnommé le Grand Condé
Né de Henri II le 8 septembre 1621
Mort le 11 décembre 1686
+ Henri Jules de Bourbon, Prince de Condé
Paire et Grand Maître de France
Né du Grand Condé le 29 juillet 1643
Marié à Anne de Bairière, Palatine du Rhin
Mort le 1er avril 1709
Cinq enfants de ce Prince, savoir :
+ Louis de Bourbon, son fils aîné
Mort le 5 juillet âgé de 22 mois, en 1670
+ Louis de Bourgon, Comte de Clermont
Mort le 6 juin 1675, âgé de 5 ans
+ Louis de Bourbon Comte de la Marche
Mort le 21 février 1677
+ Mademoise de Clermont
Morte le 17 septembre 1680 âgé de 14 mois
+ Louis III duc de Bourbon
Né le 11 octobre 1668
Marié à Louise légitimée de France
Mort le 4 mars 1710
Corpora ipsorum in pace sepulta sunt et nomen corum vurt in generationem et generationem (Ecclésiat. Chap. XLIV, 14)
Les chapelles :
- Au nord : le mausolée du général la Ferrière, colonel de la garde nationale à cheval de Paris et propriétaire du château, mort en 1834, oeuvre de Karl Elshoecht. Remarquer l'écusson soutenu par 2 lévriers avec 4 croix pendantes, les attributs de son grade : 3 étoiles, 4 chevrons des campagnes, l'hermine, la branche de laurier.
- Au sud : Le mausolée du Prince Henri II, situé devant la chapelle dédiée à Saint Louis et dans un arc de triomphe Renaissance.
Ce monument a été commandé à Gilles Guérin (1606-1678) élève de Sarrazin, par Louis II duc d'Enghien, Prince de Condé, dit "Le Grand Condé" en l'honneur de son père Henri II de Condé.
Sur le soubassement en marbre blanc estompé de nuances bleuâtres, de deux pieds environ de haut, s'élèvent 4 cariatides de grandeur un peu plus que naturelle, représentant les 4 vertus cardinales :
De droite à gauche :
- La Justice à la balance et au glaive.
- La Forceaux épaules couvertes de la peau du lion de Némée, porte la masse d'Hercule et relève un pan de sa robe pour laisser paraître un bouclier orné de lauriers et de têtes d'animaux féroces.
- La Tempérance munie de la bride et du mors, pour contenir la violence des passions humaines.
- La Prudence au serpent et au miroir magique pour prévoir l'avenir.
Le tympan est dominé de chaque côté par 2 têtes de mort ailées : l'une, en dehors, avec des ailes de colombe symbolise la résurrection du juste ; l'autre, en dedans, avec des ailes de chauve-souris, suggère l'idée de la résurrection des méchants.
Remarquer au-dessus des statues, un faisceau d'armes antiques (épées, javelots, massues, carquois, flèches...), à gauche, l'image d'une proue de navire, près duquel 2 tritons se livrent au combat pour une néréide.
Au-dessus de chaque cariatide : un chapiteau ionique supportant un entablement à large frise dont le milieu est occupé par l'inscription latine :
"Consacré à l'éternelle mémoire et aux mannes vénérées de l'illustre héros Henri de Bourbon-Condé, premier Prince de sang royal. D'une piété remarquable envers Dieu, d'une fidélité inviolable envers le roi, il fut l'écueil des hérétiques, le plus sûr appui de l'autorité royale. C'est assez, passant, te donner l'idée de ses belles actions et de sa prudence, pour que tu saches le regret que nous cause la perte d'un si grand Prince, né depuis 58 ans, il décédé le 6 d'avant les calendes de janvier 1646 (24-12-1646)".
Au sommet de l'entablement : bande de marbre noir, base du cénotaphe sur lequel est à demi-couchée la statue du Prince Henri II en costume guerrier, le bras droit tient le bâton, insigne du commandement. A chaque bout du cénotaphe un petit génie à l'expression douloureuse, soutient l'écusson des Condés : trois fleurs de Lys, barre oblique désignant une branche cadette.
Derrière la statue se cache un masque de théâtre annonçant que celui qui est là représenté a terminé son rôle dans la vie de ce monde.
La maquette en terre cuite de la statue de Henri II, qui porte encore les tracés du quadrillage qu'utilisa le sculpteur pour tailler le marbre au triple du modèle est au musée du Louvre.
Sources :
- Wikipédia
- Ministère de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche, Direction de l'enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.- Lucien Romier,Paris, Perrin, 1909, La carrière d'un favori : Jacques d'Albon de Saint-André