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Publié par Fanny

"É la novèla que medzè la viaille (C’est la nouvelle neige qui fait fondre la vieille)" 

Les veillées d'hiver

         Elles eurent longtemps pour cadre l'étable, où tout le village s'installait le soir venu, tant bien que mal, pour économiser le chauffage et surtout le bout de chandelle ou d'huile du "croëjus"*.

          Avec les premières lampes à pétrole, la veillée se fit plutôt à la maison, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, dans la grande cuisine qui servait de salle à manger, l'hiver d'atelier, et souvent de chambre à coucher.

         

 

Généralement vaste, il y avait place, malgré l'immense cheminée, pour un grand fourneau à bois, pour un bahut à vaisselle, pour la huche à pain qui servait de table, quelques chaises paillées, le berceau, le rouet, une série de casseroles en cuivre.

Il n'y faisait pas très chaud, et comme le vent refoulait la fumée, l'on ouvrait un peu la porte et l'air froid venait s'y réchauffer en nous refroidissant.

 

 

         

  

 

C'était au cours de ces veillées traditionnelles, que les femmes cardaient et filaient la laine, tricotaient, tandis que les hommes et les enfants "débourraient le maïs", "gremaillaient" les noix, "bloyaient" le chanvre, ou épluchaient quantité de châtaignes pour engraisser les porcs.

 

                 Et qui n'avait pas son cahier de chansons apprises les jours de foire auprès des chanteuses des rues ? Que de belles voix pouvaient parfois jaillir de ces gosiers paysans ; que de beaux chants tristes ou romantiques, rarement égrillards, quand l'amour rimait avec toujours ; quand l'épi d'or et le bon vin étaient magnifiés.       

          En fin de soirée, on offrait une légère collation, du pain, du fromage, parfois des "bugnes" et quand on avait tué le cochon, on faisait goûter les "diots"  le tout accompagné du "topin" de cidre ou de vin.

          Les langues alors se déliaient. Chacun, sans se faire prier, y allait de sa petite histoire, ou poussait sa chanson.

          On fumait rarement, mais les chiqueurs possédaient de grandes blagues à tabac en peaux de chat.

          Les grand-mères prisaient, et du fond de la poche de leur immense jupe, elles sortaient une très belle tabatière, souvenir de famille, et offraient une prise aux invités.

          Les éternuements faisaient la joie des enfants.

          On se prêtait de rares journaux régionaux à une page, et les hommes parlaient volontiers de politique, car ils étaient blancs ou rouges, mais jamais modérés.

          Dans le groupe il y avait toujours un violoneux ou un joueur d'harmonica qui encouragé par les plus jeunes prenait son instrument, et on dansait un peu, le quadrille, la valse, la polka piquée, la mazurka, et la danse du tapis qui permettait au "bonami" de désigner sa préférée et de l'embrasser.

          La veillée terminée, chacun regagnait sa demeure avec son falot pour les nuits sans lune. Mais un bon paysan ne se couchait jamiais sans passer à l'étable. Un coup d'oeil aux bovins, aux moutons, tout en évitant de troubler le sommeil du cochon dont les jours de survie étaient comptés en période de froidure.


*croëjus : lampe à huile
**gremailler : Casser les noix et trier les cerneaux


Sources : Marthod, A travers les âges, Edmond HEMERY, 1973

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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