Fêtes de l'âne
Depuis 16 ans, la ville de Sens organise les fêtes de l'âne du 14 au 22 janvier.
Si cette fête a été remise au goût du jour en 2001 par l'ensemble vocal et instrumental Obsidienne, à l'origine, il s'agit d'une fête traditionnelle médiévale, une sorte de rite païen au 1er janvier où l'on célèbrait, entre autre, "l'office des fous", fête populaire avec théâtre, jeux, travestissements. L’Eglise essaya de canaliser les abus et débordements, jusqu’à sa disparition au 16e siècle. C’est dans un célèbre manuscrit de la bibliothèque de la ville de Sens que l’on trouve le plus ancien témoignage de cette fête avec « l’office des fous » attribué à Pierre de Corbeil (mort en 1222 ou 1224). Cette fête populaire a repris vie en s'inspirant de la "folie" médiévale, offrant un agréable programme ouvert à tous les publics (concerts, spectacles, balades, expositions, ateliers... et bien sûr les ânes qui restent les rois de la fête).
A Sens, la fête des Fous est très ancienne, selon les termes mêmes d'une ordonnance de 1245 qui voulut la proscrire.
Le jour de la fête, le préchantre* des fous devait recevoir sur le dos, à l'heure des vêpres, une aspersion de trois seaux d'eau.
Les vicaires de la cathédrale de Sens érigeaient un théâtre sur la place Saint-Etienne, et y jouaient des mystères qu'ils assaisonnaient de farces et de scènes bizarres.
Le chant de la prose de l'âne était une des principales cérémonies de la fête des Fous dont l'objet était d'honorer l'humble et utile animal qui avait assisté à la naissance de Jésus-Christ et l'avait porté sur son dos lors de son entrée à Jérusalem.
Deux chanoines, députés, se rendaient alors auprès de l'âne, pour le conduire à la table, qui était le lieu où le préchantre lisait l'ordre des cérémonies et proclamait le nom de ceux qui devaient y prendre part. On couvrait l’animal d’une belle chape et on entonnait : « Des contrées de l'Orient, il est arrivé un âne beau et fort, et propre à porter des fardeaux. Hez, sire âne, hez ! Cet âne a été nourri par Ruben, sur les collines de Sichem ; il a traversé le Jourdain et sauté dans Bethléem. Hez, sire âne, hez ! II peut vaincre à la course les faons, les daims et les chevreuils ; il est plus rapide que les dromadaires de Madian. Hez, sire âne, hez ! La vertu de cet âne a porté dans l'église l'or de l'Arabie, l'encens et la myrrhe du pays de Saba. Hez, sire âne, hez ! Pendant qu'il traîne les chariots remplis de bagage, sa mâchoire broie un dur fourrage. Hez, sire âne, hez ! II mange l'orge avec sa tige ; il se repaît de chardons, et dans l'aire il sépare le froment de la paille. Hez, sire âne, hez ! Ane déjà soûl de grain, dites amen, dites amen, amen derechef, et méprisez les vieilleries. Hez, sire âne, hez ! »
Cette prose était suivie d'une antienne composée de commencements de psaumes où, de deux en deux vers, on répétait l'exclamation bachique et profane « Evoé ! » qui revenait plusieurs fois dans le cours de l'office.
Dans les intervalles, on faisait manger et boire l'âne. Enfin on le menait dans la nef où tout le peuple, mêlé au clergé, dansait autour de lui, en essayant d'imiter son braiment. Lorsque la danse était finie, on le reconduisait au chœur où le clergé terminait la fête.
Après les vêpres et les complies**, le préchantre de Sens conduisait dans les rues la bande joyeuse, précédée d'une énorme lanterne : on allait au grand théâtre dressé devant l'église ; on y représentait les farces les plus indécentes.
La fête était terminée par des seaux d'eau que l'on jetait sur la tête du préchantre. On rentrait pour les matines : quelques hommes nus recevaient plusieurs seaux d'eau sur le corps.
* Clerc chargé de diriger les choeurs et d'enseigner le chant.
** C'est la dernière prière de la journée, chantée par les fidèles peu après le coucher du soleil et juste avant d'aller dormir.