Remuée d'été
Chez nous en Savoie on dit "estotagneura"
La remuée est le déplacement saisonnier du troupeau et du personnel de l'alpage, de chalet en chalet, vers un nouveau pâturage, mais c'est aussi l'abri rudimentaire du haut pâturage et les prairies et champs qui l'entourent.
A Marthod, les gens qui possèdaient du bien en altitude, "remuaient" pour la saison d'été vers les granges de Fossorié, des Adrets, de la Fouettaz, du Lancheron, du Peutet, de l'Ecouet, de la Rave, des Prés riants, des Fontaines, des Tasnières, des Rafforts. La plupart de ces chalets n'on pas résisté aux intempéries.
On emmenait une ou deux vaches laitières, le cochon, les poules et du ravitaillement. Un sac de polenta, un peu de salé, quelques pains, un baril de cidre, un litre de goutte et le berceau quand il y avait un bébé.
Près de la grange, ont cultivait les pommes de terre et les légumes verts dans un jardinet.
L'habitat était rustique, avec des murs de soubassement en pierres et l'étage en bois.
Au rez-de-chaussée, c'était généralement une pièce sur terre battue avec comme mobilier, un vieux buffet, un poële, une table et quelques tabourets.
Une écurie pour abriter le mulet, les vaches, le perchoir à poules.
Au printemps et à l'automne, il y avait place pour un troupeau de moutons.
La plupart du temps la fumée était évacuée vers l'extérieur par un trou dans le mur relié à un tuyau. Les cheminées étaient rares.
A l'étage, un immense fenil et un coin pour engranger et battre l'avoine et le seigle.
Les lits aussi étaient rares, on couchait sur un tas de vieux foin mais jamais sur le foin nouveau qui n'avait pas encore fermenté.
Dès l'aube à la rosée du matin, on se regroupait en équipe pour faucher de vastes étendues. Quel beau spectable que de voir les six ou huit faucheurs et faucheuses tracer chacun leur andain* fleurant bon le foin coupé !
Seule pause de la matinée, le casse-croûte sur l'herbe qui permettait de faucher jusquà midi.
De temps en temps un autre groupe de faneurs était huché à la tyrolienne et l'écho que répercutait la montagne proche était très plaisant pour une oreille avisée.
L'après-midi, on rentrait le foin coupé la veille et au coucher du soleil la fauchaison recommençait.
Des journées bien remplies, mais quand on était jeune, manger midi et soir en groupe la polenta, la soupe au bacon, vivre au grand air face au Mirantin et au Mont-Blanc, coucher dans le foin, c'était une belle aventure.
L'Angélus lointain, le chant du coq, la vache qui brame ou l'ombre du soleil projeté sur le rocher du midi, suffisaient pour donner l'heure.
Pour les météo, le gloussement de la poule, le ciel qui moutonnait, la Dent de Cons qui se coiffait ou les douleurs du vieux étaient signes de pluie.
Le dimanche on rendait visite à ceux des chalets voisins et le 15 août, pour la jeunesse grouppée, c'était l'ascension des cîmes avec retour par la Batterie où on dansait jusqu'au soir.
Au début septembre, on "remuait" de nouveau vers la ferme du bas et laissait place aux bergers d'automne.
*andain : rangée d'herbe fauchée de deux mètres environ de largeur, sur toute la longueur du pré.
Sources : Marthod mon village en 1900, ses coutumes... ses traditions - Edmond Hémery