Les maires du palais
A l'origine les maires du palais étaient les majordomes de la maison du roi. Ils étaient chargés de l'intendance, de la surveillance des lieux où vivaient le roi.
Ils veillaient à l'approvisionnement, à la nourriture. Pour cela on les respectait et les entourait d'attentions intéressées.
Cet office ressemblait assez à celui qu'on appelait chez les Romains le "préfet du prétoire". Les maires du palais portaient aussi le titre de princes ou ducs du palais et de ducs de Neustrie, d'Austrasie ou de Bourgogne
Au VIIe siècle, à la fin de la dynastie mérovingienne, le royaume franc n'est guère plus qu'un conglomérat de principautés religieuses ou familiales, partagé en deux et affaibli par les rivalités entre rois de Neustrie et d'Austrasie. La notion d'État subit une véritable éclipse : les comtes, représentants locaux du roi, voient leur pouvoir personnel croître au détriment de l'unité du royaume ; les maires du palais, qui gouvernent et contrôlent le trésor royal, prennent également du pouvoir, en tentant notamment de rendre leur charge héréditaire. Le ciment essentiel du royaume franc, où la culture latine n'existe plus qu'à l'état de vestiges, reste la religion chrétienne.
Les princes mérovingiens ne sont pourtant pas tous les incapables décriés par les historiens carolingiens : le mythe des rois fainéants (fait néant), destiné à tuer définitivement la monarchie héréditaire et de droit divin créée par Clovis et à légitimer la prise du pouvoir par les Pippinides, apparaît bien plus tard, dans la biographie de Charlemagne, la Vita Karoli magni, composée en 828 par Eginhard.
La domination des maires du palais
Rhadon et Warnachaire, maire des Palais respectivement d'Austrasie et de Bourgogne, obtinrent de Clotaire II, à qui ils avaient livré ces royaumes en 613, l'inamobibilité de leur charge. En Austrasie, berceau de la féodalité, cette charge ne tarda pas à devenir élective, et les maires du palais ne furent plus nommés par le roi, mais choisis par les grands.
Avant de mourir, Dagobert avait recommandé sa veuve et son fils Clovis II, son successeur en Neustrie, au maire du palais Aega. Pour le roi qui disparaissait comme pour tous ses contemporains, le maire du palais est l'homme qui gouverne le royaume. Le choix de Dagobert s'était porté sur un personnage conciliant, mais qui ne lui survécut que deux années. Aega eut lui-même comme successeur un parent de la mère de Dagobert nommé Erchinoald : " C'était un homme rempli de douceur et de bonté, exempt d'orgueil et d'avidité. Il ne s'enrichit que modérément et fut chéri de tout le monde ". Ce propos d'un contemporain en dit long sur les mœurs des hauts fonctionnaires mérovingiens, la plupart cupides et sans scrupules.
Tels étaient, par exemple, le maire du palais de Bourgogne Flaochat et le patrice Willebad, de qui l'oraison funèbre sert de conclusion à la chronique de pseudo-Frédégaire : " Ils ont l'un et l'autre opprimé et dépouillé les peuples par leur avidité. Ce fut le jugement de Dieu qui délivra le pays de leur tyrannie.
En Austrasie, Sigebert III, fils aîné de Dagobert, avait confié la mairie du palais au fils de Pépin de Landen; il donnait ainsi à la fonction un caractère héréditaire, mais le nouveau maire trahit la confiance de son roi. En effet, lorsque Sigebert III mourut (656), Grimaud fit tondre et exiler en Irlande le jeune roi Dagobert II et, à la place de celui-ci, il éleva sur le trône son propre fils, nommé Childebert. Cette trahison excita l'indignation des Neustriens; ils réussirent à s'emparer de Grimaud, qui, condamné par un jugement du roi de Neustrie, périt en prison à Paris (662). L'usurpation était prématurée. Près d'un siècle s'écoulera encore avant que l'arrière-petit-fils d'une sœur de Grimaud supplante le dernier des Mérovingiens; Pépin le Bref ne le fera d'ailleurs qu'avec l'autorisation du pape. Le loyalisme des Francs et surtout des Neustriens à l'égard de leurs rois est resté intact pendant trois siècles.
Ce loyalisme était indépendant du mérite des souverains. Après avoir sévèrement condamné l'usurpation commise par le fils de Pépin de Landen, un chroniqueur du 8ème siècle, auteur du Livre de l'histoire des Francs, n'éprouve aucune hésitation à porter sur le roi de Neustrie, Clovis II, ce jugement brutal : "Ce Clovis se livrait à toutes les débauches ; c'était un fornicateur et un séducteur de femmes, un glouton et un ivrogne." Qu'on ne cherche pas une arrière-pensée politique pour expliquer cette violence. Si Clovis II s'est attiré l'animosité de l'écrivain, qui était un moine de Saint-Denis, c'est parce qu'il avait coupé le bras du saint patron de l'abbaye, saint Denis, sans doute pour posséder un membre du corps du martyr. En un temps où la religion s'était matérialisée dans le culte des reliques, aucun crime ne paraissait plus odieux.
Après la mort de Clovis II (657), sa veuve, Baltilde, exerça pendant quelques années la régence. Cette femme, d'origine anglo-saxonne, qui avait été jadis une servante du maire du palais Erchinoald, n'avait pas l'étoffe d'une Brunehaut. De gré ou de force, elle se retira dans le monastère de Chelles, près de Paris, après la mort de son ancien maître.
Pépin le Bref, maire des trois royaumes, qu'il gouvernait, comme son père Charles Martel les avait gouvernés, avec le titre de duc des Français. Dux Francorum se fit proclamer roi avec l'approbation du pape saint Zacharie dit Eginhard, dans une assemblée tenue à Soissons en 752 et Childéric III, dernier rejeton de dysnatie mérovingienne, fut enfermé dans un monastère.