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Publié par Françoise

Temps de la Saint-Fernand, chaleur et soleil riant

 

Véridique histoire qui s'est déroulée à Aleçon, sur les bords de la Sarthe, et dont il ressort que le bon roi Henri IV n'appréciait pas seulement la poule au pot.

 

  Basse Normandie 

 

Le bon roi Henri IV aimait bien, dit-on, la ville d'Alençon, devenue célèbre depuis grâce à ses belles dentelles.

Un jour, il y arriva sans se faire connaître, sans escorte non plus, et alla frapper à la porte d'un jeune seigneur de sa cour. Le seigneur était absent mais son épouse le reçu courtoisement.

           - Accordez-moi l'hospitalité, demanda le roi, je ne sais où aller.

           - Mais, bien entendu...

La femme du seigneur n'avait pas reconnu le roi de France ; elle se doutait pourtant qu'elle avait affaire à un noble, qu'il lui fallait bien traiter. Par malheur, son garde-manger était vide.

           - Installez-vous, dit-elle, cette maison est la vôtre, je reviens dans un instant.

Il était tard, les marchands avaient fermé boutique depuis longtemps. La femme se précipita donc chez ses Henri IVvoisins, en quête d'une nourriture honorable, plus présentable qu'un quignon de pain et un morceau de fromage.

Par bonheur, un bourgeois des environs venait de faire rôtir pour son souper une bonne dinde, appétissante à souhait. Elle voulut la lui acheter. Il refusa.

     - Il me la faut, dit la femme, j'ai un visiteur de marque, un ami de mon mari, je ne trouve rien d'autre ailleurs à lui offrir.

     - Je ne veux pas  vous vendre cette dinde, madame, car j'ai faim, moi aussi. Mais je peux, si vous le souhaitez, la manger avec vous et votre hôte. Elle est grosse, chacun en aura bonne part.

La femme du seigneur, bien que tentée, ne voulut pas accepter tout de suite, car les nobles, d'habitude, ne mangent pas à la même table que les bourgeois.

     - Je vais voir, je renviens...

La femme rentra chez elle, en hâte. Le roi était en train de se chauffer devant la cheminée. Il rit en l'écoutant exposer la situation.

     - Ma foi, décida-t-il, je préfère manger avec un bourgeois que de jeûner tout seul.

La femme courut chercher son voisin et sa dinde, tandis que la servante dressait la table, et apportait à boire.

La dinde était bonne, le repas eut lieu dans la bonne humeur générale. Le voisin racontait de joyeuses histoires que le roi écoutait de bon coeur. Lorsqu'il resta dans les assiettes seulement quelques os de volaille, le voisin, rassasié, regarda plus attentivement le visiteur.

Alors, il pâlit, reconnaissant le roi de France, se leva vivement de son siège et se jeta à genoux :

      - Sire, murmura-t-il, pardonnez-moi ce manque de respect involontaire. Je ne savais pas, j'ai osé m'asseoir à votre table...

La femme du seigneur s'effara à son tour en comprenant qui était son hôte. Elle aussi se jeta à genoux. Le roi les fit se relever, en souriant.

Mais le voisin, même debout, n'arrivait pas à reprendre ses esprits.

     - Pardon, sire, répétait-il, je vous ai outragé. Madame est noble, elle, elle pouvait à la rigueur s'asseoir à vos côtés, mais pas moi, qui ne suis qu'un bourgeois...

     - Bah, dit le roi, oublions cela.

     - Impossible, sire. Vous êtes outragé, il n'y a que deux moyens pour vous de laver cet outrage.

     - Lesquels ?

     - Le premier, c'est de m'envoyer en prison.

     - Non pas, ta dinde était trop bonne.

     - La deuxième, c'est de m'anoblir, faire de moi un comte ou un marquis. Ainsi personne ne pourra parler d'outrage.

Henri IV éclata de rire, d'un grand rire qui résonna par toute la maison.

     - C'est la meilleure ! cria-t-il. Eh bien soit, bourgeois, je te fais gentilhomme ! Et je veux que ton blason porte comme arme, une dinde rôtie !

 

 maison Ozé 

Ainsi fut fait. La maison où se déroula cette histoire véridique existe encore à Alençon, sur la place Lamagdelaine, près de l'église. Elle s'appelle la maison d'Ozé, ou encore, la maison de la dinde, c'est maintenant l'office du tourisme d'Alençon.

 

  


  Contes traditionnels de Normandie, de Bertrand Solet, chez Milan

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